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LA RÉPONSE DE M. YVES MICHAUD À LUCIEN BOUCHARD.

L’AFFAIRE MICHAUD

La réponse de M. Yves Michaud à Lucien Bouchard.

à lire sans faute ! Vous trouverez à la fin de ce texte la lettre du 20 décembre de M. Yves Michaud à Lucien Bouchard.

La lettre suivante est la réponse officielle du leader parlementaire du gouvernement, monsieur Jacques Brassard, à la LETTRE DE M. YVES MICHAUD AUX DÉPUTÉS DU QUÉBEC dans laquelle il formule une «requête d’audience» afin que «réparation puisse être faite dans les plus brefs délais aux atteintes à sa réputation et aux préjudices qu’il a subis» suite à la motion de blâme adoptée unanimement par l’Assemblée nationale du Québec.

La lettre de M. Jacques Brassard nous a été communiquée par le bureau du député péquiste André Boulerice, celui-là même qui a appuyé la motion de blâme de l’Assemblée nationale. Les adresses électroniques de messieurs Jacques Brassard et André Boulerice sont :

André Boulerice
aboulerice@assnat.qc.ca
abcomte@videotron.ca

Jacques Brassard
ministre@mrn.gouv.qc.ca

Plusieurs voudront aussi communiquer avec les députés qui ont voté en faveur de la «motion de blâme» de l’Assemblée nationale du Québec à l’endroit de l’ancien député du Québec et l’ancien délégué général du Québec à Paris, M. Yves Michaud. Les adresses électroniques des parlementaires sont accessibles sur la page Internet suivante : http://www.assnat.qc.ca/fra/membres/deputes_lst.html

La réponse du leader parlementaire du gouvernement :

Le 18 décembre 2000

Monsieur Yves Michaud
4765, avenue Méridian
Montréal (Québec)
H3W 2C3

Monsieur,

J’ai pris connaissance de votre lettre du 18 décembre courant qui appelle plusieurs commentaires.

Vous faites d’abord un lien entre la motion adoptée par l’Assemblée nationale du Québec et les dispositions du code criminel traitant de la littérature haineuse, de la diffamation ou de l’atteinte à l’intégrité des personnes physiques ou morales. Vous en concluez que l’Assemblée nationale n’est pas un tribunal habile à se prononcer sur des opinions exprimées par un citoyen ou une citoyenne et que seul le pouvoir judiciaire peut en disposer.

Votre conclusion est tout à fait erronée. Notre Assemblée est un corps politique légitime formé de représentants du peuple qui, individuellement ou collégialement, ont le droit de se prononcer sur tous les aspects de la vie en société. Les députés le font en adoptant des lois, en tenant des débats ou en adoptant des motions. L’Assemblée nationale n’est pas un tribunal. Elle est toutefois certainement habile à se prononcer sur des déclarations qu’elle considère inacceptables.

Personne n’a assimilé vos propos à de la littérature haineuse, de la diffamation ou une atteinte à l’intégrité des personnes physiques ou morales, comme vous le laissez croire. Les députés les ont condamnés comme inacceptables.

Vous indiquez aussi que la décision de l’Assemblée nationale s’en prend à votre liberté d’expression et à celle de tous les Québécois. Je m’inscris en faux contre cette assertion. La motion de l’Assemblée ne vise pas votre personne mais vos propos. Elle n’emporte aucune sanction de la nature de celles imposées par un tribunal. Vous reconnaîtrez certainement aux députés et donc à l’Assemblée nationale le droit d’être et de se dire en profond désaccord avec vos opinions. La liberté d’expression n’est pas à sens unique.

Il en va ici de l’essence même du débat public et de la discussion politique. Je me permets de souligner que vous êtes, depuis quelques semaines, un acteur politique. Vous êtes candidat déclaré à l’investiture du Parti Québécois du comté de Mercier. Vos propos publics s’inscrivent donc dans le débat politique et prennent une portée autrement plus considérable que dans le cas d’un citoyen qui n’aspire pas à siéger à l’Assemblée nationale.

Je note par ailleurs que votre lettre ne fait aucune mention des affirmations qui ont amené l’Assemblée nationale à se prononcer. S’il y a eu motion, c’est justement parce que vous avez tenu les propos que vous savez.

Le 5 décembre dernier, à l’occasion de votre passage à l’émission de monsieur Paul Arcand, à CKAC, vous avez évoqué un lien, à la fois gratuit et injustifiable, entre l’avènement d’un Québec souverain et les souffrances du peuple juif. Répondant à un sénateur qui vous demandait si vous étiez « toujours séparatiste », vous déclariez avoir répondu :

« Oui, je suis séparatiste comme tu es Juif. J’ai dit, ça pris à ton peuple 2000 ans pour avoir sa patrie en Israël. J’ai dit moi, que ça prenne dix ans, cinquante ans, cent ans de plus, je peux attendre. Alors il me dit que ce n’est pas pareil. Aie, c’est jamais pareil pour eux. Alors j’ai dit c’est pas pareil. Les Arméniens n’ont pas souffert. Les Palestiniens ne souffrent pas. Les Rwandais ne souffrent pas. J’ai dit c’est toujours vous autres. Vous êtes le seul peuple au monde qui avez souffert dans l’histoire de l’humanité. Là, j’en avais un peu ras-le-bolY »

à mon avis, le degré de souffrance des peuples dans l’histoire de l’humanité n’a rien à voir et rien à faire dans la volonté du peuple du Québec de devenir un pays. Il est vrai que tous les peuples auxquels vous faites référence ont beaucoup souffert. Vous auriez pu en rajouter : les Ukrainiens, les Cambodgiens, les Chinois et combien d’autres. Mais peu d’événements dans l’Histoire, s’il en est, ont atteint des sommets d’inhumanité aussi effrayante que le génocide systématiquement organisé par un état moderne, poursuivant la négation planifiée de la condition humaine.

Je ne serai jamais d’accord avec ce genre de propos qui relativisent, donc qui tendent à banaliser le plus grand crime de l’histoire contemporaine et à prêter aux Juifs une obsession de l’holocauste.

Vous poursuivez en présentant le B’Naï Brith comme la phalange extrémiste du sionisme mondial. Je tiens simplement à vous rappeler que le B’Nai Brith s’est inscrit parmi les tout premiers organismes à dénoncer monsieur Lafferty qui avait tenté de tracer des liens entre les politiques du IIIe Reich et celles de messieurs Parizeau et Bouchard.

Je ne crois pas exagérer en disant qu’il faut, pour le moins, pratiquer la prudence et le respect lorsqu’on s’engage sur la voie de l’explication du vote des diverses communautés. Un homme public ou celui qui souhaite le devenir doit bannir de son discours les raccourcis entre le comportement électoral, l’holocauste et l’origine ethnique.

Vous reconnaîtrez que les réactions du gouvernement à votre première envolée ont été on ne peut plus pondérées. Pour un, lorsque interrogé par les journalistes, le premier ministre du Québec, monsieur Lucien Bouchard, a déclaré :

« Ceci étant dit, je crois que les propos de monsieur Michaud sont mal avisés… Je suis convaincu qu’il profitera d’une prochaine occasion pour les pondérer. »

Quant à l’investiture dans le comté de Mercier, parce que c’est aussi à ce sujet qu’on l’interrogeait, monsieur Bouchard ajoutait :

« On me demande d’utiliser les pouvoirs extraordinaires du Conseil national pour interdire monsieur Michaud d’investiture. C’est une chose qui ne se fait à peu près jamais. Il y a très peu de précédents, s’il y en a. Il faut qu’on se retrouve dans une situation d’extrême gravité pour procéder ainsi, ce qui n’est pas le cas, à la lecture même du communiqué. »

Le lendemain, à l’occasion de votre passage aux états généraux sur la langue, vous êtes revenu sur le sujet, cette fois-ci en en remettant, notamment sur la manifestation « d’intolérance » que constituerait « un vote ethnique contre la souveraineté du peuple québécois. » Je me permets de citer quelques-uns de vos propos, tels que rapportés par les média :

« (parlant du vote référendaire dans Côte-St-Luc)

Aucun oui, 2275 non. Il n’y a même pas un étudiant égaré, un aveugle qui s’est trompé. C’est l’intolérance 0. »

« Pis il y a douze comme ça jusqu’à 2075, là je me dis que l’on doit se poser des questions sur notre capacité d’intégration de ceux-là qui massivement, c’est l’intolérance zéro vis-à-vis, il y a un vote ethnique contre la souveraineté du peuple québécois. »

« Je ne retirerai pas un mot de ce que j’ai dit « . » (Les membres du B’Naï Brith sont) des extrémistes anti-québécois et anti-souverainistes. »

Comme député du Parti Québécois et leader parlementaire du gouvernement à l’Assemblée nationale, je refuserai toujours de « peser » le vote d’un de mes concitoyens. Ce n’est pas parce qu’un électeur vote contre moi ou contre notre projet de faire du Québec un pays souverain que je crois pouvoir utiliser des mots comme « intolérance », « vote ethnique »ou « extrémistes anti-québécois » Tout au contraire, ces expressions sont condamnables parce qu’elles sont injustes et peuvent mener à toutes espèces de dérives. Le droit de vote est un droit fondamental. Il ne l’est pas moins lorsqu’il ne nous est pas favorable. Votre liberté d’expression comme vos valeurs démocratiques doivent le respecter.

Je ne vous écris pas aujourd’hui uniquement en réponse à votre lettre mais aussi en réplique à vos propos. Ceux-ci m’interpellent d’autant plus qu’ils émanent de quelqu’un qui aspire à siéger au sein du caucus du Parti Québécois. On me demande si suis d’accord avec vous, avec vos propos et avec vos analyses. Je ne le suis pas, je ne peux pas l’être. Je ne peux non plus permettre qu’un doute subsiste à cet égard. Voilà pourquoi j’ai souscrit à la motion proposée conjointement par les députés de D’Arcy-McGee et de Ste-Marie-St-Jacques.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

JACQUES BRASSARD

Lettre de Yves Michaud à Lucien Bouchard.

Le 20 décembre 2000

J’ai été frappé de stupeur en vous entendant hier soir, sur un ton dur, hargneux et vindicatif, m’accuser d’être insensible au plus grand crime dans l’histoire de l’humanité.. Vos propos à mon égard sont profondément injustes et non fondés et votre acharnement à mon endroit n’est pas digne de la fonction que vous exercez Le genre d’amalgame que vous faites pour « sataniser » un membre de votre parti qui a consacré l’essentiel de sa vie à la cause souverainiste est déshonorant.

Je n’ai jamais rien dit, ni rien écrit, suggérant ni de près ni de loin une banalisation du crime nazi à l’égard du peuple juif : l’insinuer est contraire à la vérité. En vous associant à l’infâme motion de blâme de l’Assemblée nationale qui m’a condamné sans m’entendre et sans débat, vous avez commis envers moi une mauvaise action où se mêlent l’injustice et la calomnie.

Vous avez tenté d’assassiner politiquement un de vos militants pour des raisons que je me refuse encore à croire. Cela n’est pas joli. Je ne vous envie pas. Le jugement de l’Histoire sera sévère pour l’acte que vous avec posé.

Et vous voudriez que je m’excuse ? De quoi? N’est-ce pas plutôt à vous de le faire afin d’éviter ce qui pourrait être une irréparable fracture de notre formation politique. Je suis consolé dans mon immense peine par le témoignage de milliers d’hommes et des femmes d’honneur de tous les coins du Québec qui réprouvent le vilain procès que vous avez fait à l’un des vôtres au lieu d’utiliser vos grands talents et votre fougue à combattre les adversaires de la patrie québécoise.

Ces hommes et ces femmes sont encore prêts à vous suivre, moi le premier, si vous me restituez mon honneur et ma dignité. Ne les décevez pas. Ne commettez pas l’irréparable par entêtement, obstination ou orgueil. La cause que nous servons dépasse nos différences et nos vaines querelles. Elle commande que vous vous absteniez de toute ingérence dans le processus démocratique de notre parti, laissant aux militants et aux militantes le libre choix de leur porte-parole. Ce sont eux et elles qui combattent quotidiennement pour sauvegarder et renforcer toutes les chances que nous avons de voir le jour où nous deviendrons maîtres chez nous.

Je parle en leur nom, et non en vertu d’une quelconque ambition de refaire carrière en politique, à un versant de ma vie où je pourrais me livrer aux plaisirs de la littérature et du jardinage. J’ai cependant répondu à leur appel, impressionné par leur ferveur et leur attachement au grand projet qui nous réunit. Je ne cherche pas à sièger à l’Assemblée nationale pour des fins personnelles mais pour rendre témoignage et jeter des passerelles entre un présent qui s’achève et un avenir qui commence. Il me reste encore quelques années de fougue et d’ardeur à mettre au service de ma patrie. Empruntant à Paul Valery, « bientôt ma vie s’achèvera. Il n’y aura plus de lendemains qui m’attendront. Je n’aurai plus que du temps à perdre. » Avant que cela soit, si je peux apporter une ultime contribution au service des miens, je ne chercherai pas d’issues de secours et je répondrai présent !

Malgré les blessures encore vives que vous m’avez infligées, cette espérance me fait vous tendre une main loyale et fraternelle pour ne pas hypothéquer les chances de donner à notre peuple un pays qu’il attend depuis si longtemps. Je n’ose croire qu’un homme libre vous fasse peur. Votre stature est plus grande que cela. Au nom de tous les nôtres qui attendent tant de vous, ne cherchez pas à barrer le passage à ma candidature dans Mercier. Vous savez bien que je n’y renoncerai pas. Aucune menace ne me fera reculer. Je me mépriserais moi-même si je prenais le chemin de la repentante et de l’humiliation pour m’excuser de fautes que je n’ai pas commises.

Nos adversaires se réjouissent de vous avoir fait déclencher une guerre fratricide. Il est encore temps que la paix revienne. Si vous ne vous servez pas de vos grands talents de négociateur à son service, vous mettriez en jeu l’unité du parti, ce que nous ne souhaitons évidemment ni l’un ni l’autre. Le dernier congrès vous a renouvelé sa confiance pour être un rassembleur et non un diviseur.

Je ne suis pas homme de rancune et je pardonne facilement les offenses à ceux qui m’ont offensé. A vous de jouer ! Auréolé de votre autorité, vous pouvez dégager le parti du piège dans lequel nos adversaires vous ont fait tomber. Plus les hommes sont grands, plus il leur est facile de reconnaître leur erreurs. Je crois que vous êtes de cette taille. Vous possédez tous les outils de la réparation. Servez-vous en afin que soient préservées tant d’années d’espérances et d’attentes d’un pays dont des millions de Québécois et de Québécoises ne cessent de rêver.

Yves Michaud

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NDLR – SOLIDARITé YVES MICHAUD

Les personnes, groupes, associations, entreprises, syndicats, etc., indignés du comportement méprisant des députés de l’Assemblée nationale à l’égard de l’un des citoyens les plus éminents et les plus respectés du Québec, intéréssés à contribuer peuvent le faire en adressant leur chèque à :

SOLIDARITé YVES MICHAUD
5417, rue Brodeur
Montréal (Québec)
H4A 1J2

Les contributions des plus modestes aux plus substantielles sont acceptées. Selon les sommes reçues il est envisagé de créer un FONDS DE DéFENSE DE LA LIBERTé D’EXPRESSION des citoyens et des citoyennes du Québec, mise à mal récemment par des manoeuvres politiciennes suspectes et contraires aux libertés fondamentales.

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Source :
Impératif français
C.P. 449
Aylmer (Québec)
J9H 4P7
Courriel : Imperatif@imperatif-francais.org
Site : https://www.imperatif-francais.org

(Le 20 décembre 2000)


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