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COULISSES BRUXELLES

COULISSES BRUXELLES
Anglais imposé

Par JEAN QUATREMER
Libération vendredi 24/11/2000

Le vendredi 24 novembre 2000

Dans le monde merveilleux de la Commission, normalité rime avec
anglophonie. Le porte-parole de Chris Patten, le commissaire britannique
aux relations extérieures, a lâché le morceau, mardi, lors d’une
conférence de presse au cours de laquelle une somptueuse brochure (papier
glacé, couleur, photos) sur l’aide aux Balkans a été distribuée. Comme
d’habitude, l’ouvrage était uniquement en anglais. Interrogé sur la raison
d’un tel luxe anglophone alors qu’il aurait mieux valu dépenser de
l’argent pour traduire l’information dans différentes langues, le
porte-parole a répondu: «Mais parce que cette brochure n’est pas seulement
destinée aux journalistes mais aussi aux gens ordinaires.» Bien sûr, des
«gens ordinaires» maîtrisant toutes les subtilités de l’anglais… Au-delà
de l’anecdote, il y a une politique systématique mise en oeuvre par la
Commission pour imposer cette langue. C’est notamment le cas dans ses
relations avec les pays de l’Est. Ainsi, les négociations d’adhésion se
passent en anglais alors que beaucoup de négociateurs parlent français ou
allemand. Ou encore, Bruxelles impose l’usage de l’anglais à ses
sous-traitants qui gèrent l’aide à l’Est. Des exemples? La Commission
vient d’organiser des séminaires de formation aux affaires européennes
destinés aux journalistes hongrois. Elle a donc demandé, en accord avec le
gouvernement hongrois, à un sous-traitant, Stratégie et communication, de
recruter des journalistes spécialisés dans ce domaine. Langue exigée:
anglais. Evidemment, la plupart des confrères envoyés à Budapest sont des
Britanniques pur jus qui vont pouvoir transmettre aux Hongrois leur
europhilie galopante et leur vision toute particulière de l’Union. Le plus
drôle est que Stratégie et communication, ayant constaté que les
journalistes hongrois parlaient plutôt mal – ou pas – l’anglais, a dû
prévoir une interprétation vers le magyar… On peut remarquer qu’au
passage, la Commission fait bénéficier les Britanniques d’une véritable
discrimination positive. Alors que la langue de communication ne la
regarde pas: l’important est que le contrat soit exécuté, en serbo-croate
ou en bas latin

(Ce texte nous a été communiqué par notre correspondant M. Denis Griesmar)


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