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FRANCE : INVASION DE L’ANGLAIS AU BUREAU

Extrait des groupes de discussio de Yahoo

lu dans “rue 89”

« Trend », « hot line », « back office », « hedge fund », « subprime » sont autant de mots anglais couramment employés dans certaines entreprises. Et cela a le don d’énerver certains salariés. Peut-on encore parler français au bureau ?

Jean-Louis Cuisinier, agent de maîtrise à Axa assistance, délégué CFTC et décoré chevalier des arts et des lettres l’an dernier, s’insurge : « Subprime » veut dire « prime à risque ». Si on emploie seulement le terme anglais, la notion de risque n’apparaît pas, et cela perd de son sens. »

Cela fait dix ans qu’il lutte pour le droit de travailler dans sa langue d’origine, et « dix ans qu’on [le] traite de ringard ». Un brin franchouillard, Jean-Louis Cuisinier ? Pas du tout, il est même polyglotte et parle couramment l’anglais, l’allemand, l’espagnol, le portugais et a des notions de russe et de japonais, pour avoir beaucoup voyagé et vécu quelques années à l’étranger.

Les irradiés d’Epinal : un problème de traduction

Le point de départ de son combat ? L’affaire des irradiés de l’hôpital Jean-Monnet d’Epinal, ces 5 500 patients qui ont reçu des surdoses de rayons en passant des radios. Il affirme :

« C’est la plus grave erreur recensée due à une mauvaise compréhension de l’anglais en France. La formation sur le logiciel en anglais des radiologues avait été faite en anglais. Ils pensaient avoir compris, mais ont mal utilisé l’appareil.

On n’ose pas souvent dire qu’on n’a pas compris, c’est dur d’avouer une faiblesse, alors que c’est évident qu’on comprend moins bien dans une autre langue que sa langue maternelle. »

Alors depuis, Jean-Louis Cuisinier se bat pour le respect de la loi Toubon du 4 août 1994, qui rend obligatoire l’emploi du français dans les entreprises, notamment pour « tout document comportant des dispositions nécessaires au salarié pour l’exécution de son travail ».

Ne pas confondre « first » et « third »

Ne pas la respecter est source d’incompréhensions quotidiennes, de fatigue supplémentaire et finalement, d’erreurs qui auraient pu être évitées. Il rappelle l’histoire de la collision de deux Boeing en 1977 à Tenerife, la catastrophe aérienne la plus meurtrière de l’aviation civile : « Le pilote hispanophone a confondu “first” et “third” : c’est à cause d’une incompréhension linguistique que la catastrophe a eu lieu. »

L’utilisation de l’anglais systématiquement est aussi facteur de discrimination. « A présent, une personne n’est pas embauchée ou reconnue au travail pour ses compétences, mais pour sa capacité à parler anglais », dénonce Jean-Louis Cuisinier.

Europ Assistance condamné pour un logiciel de compta non traduit

Et depuis quelques années, des salariés se rebiffent contre l’anglais imposé au bureau. En 2006, les salariés de la GEMS (General Electric Medical Systems) des Yvelines ont gagné leur procès et ont obtenu que les documents techniques rédigés à l’étranger soit traduits en français. En avril, Europ Assistance a été condamnée à traduire un nouveau logiciel de comptabilité, de l’anglais au français. Mais Muriel Tardito, déléguée syndicale CFTC à Europ Assistance, dénonce le comportement de la direction : « Europ Assistance a été condamnée à traduire le logiciel, et en fait, elle a décidé de ne plus le mettre à disposition du tout.. Si on veut que le jugement soit strictement respecté, nous allons devoir retourner en justice. »

Aux tribunaux, Jean-Louis Cuisinier préfère la négociation quand elle est possible, et le travail de pédagogie. Il y a quatre ans, il a obtenu la création d’une commission de terminologie à Axa Assistance. Il s’occupe de traduire les anglicismes en bon français, pour faciliter la compréhension des salariés.

Comment traduire « roll over market » ?

Par exemple, un « tchat » est remplacé par le mot québécois « clavardage » et un « e-mail », par « courriel ». Jean-Louis Cuisinier raconte : « J’ai dû traduire le terme “roll over market”. Je suis allé voir les commerciaux pour bien comprendre ce que cela signifiait, et c’est devenu “marché complémentaire au contrat collectif”. »

C’est plus clair maintenant ? Jean-Louis Cuisinier y veille, en tout cas, et sa commission de terminologie fait même des envieux. Les salariés d’Axa France sont en négociation pour qu’elle existe dans toute les branches de la société d’assurance.

Franck Grandmaison, délégué syndical UDPA-Unsa d’Axa, témoigne :

« La communication faite aux salariés par les ressources humaines et la direction ne se fait pas toujours en anglais, mais est pleine d’anglicismes. La direction se dédouane avec la formation en anglais de trente heures qu’elle propose aux salariés, mais ce n’est pas suffisant pour se faire comprendre.

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