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FÉLIX, TEL UN PRINTEMPS !

Félix, tel un printemps !

L’année: 1970. Devant moi, la plus belle et la plus merveilleuse des femmes du moment: Mademoiselle Doucet, ma maîtresse d’école, que j’aimais éperdument. Le jour? Le 21 mars. En ce premier jour de printemps, Mademoiselle Doucet avait laissé au fond de nos petits pupitres, à chacun, une feuille de papier pliée en deux qui sentait bon l’encre bleue. Mais pas touche avant sa permission!

De plus, cette journée-là, notre enseignante nous avait préparé une surprise et avait pris la peine d’écrire nos noms sur de petits bouts de papier qu’elle avait soigneusement déposés dans son chapeau de paille, sur son bureau, à côté de ma pomme rouge, bien entendu. Mais qu’allait-elle faire tirer comme cadeau-surprise?

Elle avait installé un 33-tours sur le petit tourne-disque carré situé derrière la classe. Quelle était donc la chanson de fin du mois qu’elle nous ferait entendre dix jours à l’avance? Nos petites têtes d’enfants étaient complètement intriguées par les manoeuvres de notre maîtresse d’école. Mais avant toute chose, elle nous demanda de nous lever et d’aller ouvrir les fenêtres de la classe afin de humer la fraîcheur de l’air printanier. Ce que nous fîmes le plus solennellement possible, fidèles à notres habitude de tout faire pour plaire à notre sublime Mademoiselle Doucet.

Une fois que nous fûmes rassis à nos pupitres, elle procéda immédiatement au tirage en glissant sa belle et longue main blanche dans le creux de son chapeau. Elle cueillit délicatement un petit bout de papier rose et prononça ces quatre lettres: Y.V.A.N. Elle me regarda de ses yeux de velours et me fit signe d’ouvrir le premier la fameuse feuille pliée en deux. Elle me demanda de lire les quatre premières lignes d’un texte de chanson. C’était L’Hymne au printemps de Félix Leclerc.

Par la suite, elle nous demanda de garder le plus grand silence et nous fit entendre celui qui avait composé cette chanson. Alors, une grosse voix ronde entonna: «Les blés sont mûrs et la terre est mouillée.» Tous ensemble, sous le coup de l’étonnement, nous n’avons pas pu retenir l’éclat de nos rires nerveux.

Mais pas longtemps: le visage triste mais calme de Mademoiselle Doucet eut tôt fait de nous indiquer notre impertinence involontaire et, avec nos feuilles à l’encre bleue entre les mains, nous continuâmes notre écoute dans le plus grand respect, jusqu’à la fin. Émue par la chanson, Mademoiselle Doucet sortit un beau mouchoir et essuya une larme.

De façon spontanée, sans retenue, nos petites mains se mirent à applaudir afin de la remercier du cadeau qu’elle venait de nous faire. C’était ma première rencontre avec les mots de Félix Leclerc.

Yvan Giguère
Fondateur de la Journée de l’Hymne au printemps
et du Concours national de paroliers de langue française
www.journeehymneprintemps.qc.ca

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